samedi 2 mai 2015

La semence de l'éternel

Il poussait toujours des soupirs éhontés aux premiers bruissements de feuilles, aux éclosions de ces verts duvets étincelants fermement accrochés aux branches. Lui - disait-il - n'aimait que le noir, ne jurait que par la plume du corbeau, l'oeil charbonneux, la suie de cheminées lugubres, la crasse des  fabriques délabrées. De fait, claquant ses bottes de goth sur le trottoir, le cuir serré, il ne manquait de faire naître des sourires attendris quand ils n'étaient pas condescendants sur les lèvres des passants. L'envie venait, inévitable, d'y passe un coup de ciseaux à cette chevelure à la Ozzy Osbourne et de virer ces lunettes cachant yeux et rides. Il serait alors comme tout le monde: la quarantaine, un peu gras, souriant.
Boudeur, effronté, cynique, ado attardé, tout y passait, surtout le dernier. Il n'avait rien compris, s'était arrêté en chemin.
Puis on l'interrogeait au détour d'un verre. Le voilà désarmé.
"Le printemps disait-il, c'est la fuite vers la mort. Moi je rêve d'une neige éternelle, une semence en devenir qui ne se réveillerait jamais."

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