dimanche 25 octobre 2015

Balthazar du Grand Bazar, de Frédérique Deneux et Valentine Manceau

Balthazar est un lézard qui vit dans la chambre de la petit Léonie. Bien qu'il ait perdu son bras droit dans la gueule d'un chat, il anime la chambre en jouant de la guitare: comment? En utilisant son pied tiens!
Il joue si bien que ses amis de la chambre l'encouragent à jouer dans la rue et pour cela l'accompagnent. Mais les choses tournent mal quand des brutes de tourteaux filtrant l'entrée d'un club l'insultent à cause de son handicap...

Ce livre a été édité par l'association Grandir d'Un Monde à l'Autre, qui lutte contre toute forme d'exclusion. Ce livre rentre parfaitement dans ce projet. Balthazar est un personnage gentil et joyeux malgré son handicap, qui ne l'empêche pas d'être un bon musicien. Mais sa peur d'affronter l'extérieur, justifiée, est touchante et le comportement des tourteaux révoltant. Ma fille de bientôt cinq ans est entrée de plain pied dans l'histoire, tour-à-tour étonnée et indignée.
Le texte, tout en rime, marche bien en lecture à haute voix, ce qui n'est pas toujours le cas sous cette forme, et les illustrations, un mélange de collages, peinture et logiciels de dessin, sont joyeuses et originales, bref un bel album pour une belle édition et une association intéressante, que j'ai bien envie de suivre.

Merci Babelio et les Editions d'un Monde à l'Autre pour cette lecture.







Un guitariste comme ce lézard,
c'est pourtant très bizarre.
Celui qui anime le grand bazar
n'a pas deux bras
pour gratter sa guitare.
Victime d'un combat,
il a laissé son bras droit
dans la gueule 
d'un énorme chat.

dimanche 18 octobre 2015

Anomalie des Zones profondes du Cerveau, de Laure Limongi

J'aurais du mal à expliquer vraiment pourquoi mais j'ai vraiment eu un coup de coeur (encore un, je n'arrête pas ce mois-ci). 
On pourrait croire, vu le sujet, à un livre rébarbatif, trop théorique, scientifique, médical... mais il n'en est rien - pour moi en tout cas. 
Oui ça parle de cette partie de la population qui souffre chroniquement d'une migraine aiguë qui les paralyse de douleurs plusieurs fois par an, du regard d'incompréhension posé sur eux, du coût que représente des soins souvent inefficaces, de l'intolérance de l'état quant à l'utilisation de drogues thérapeutiques dans certaines autres maladies, mais pas que.
On y parle aussi des champignons sous toutes les coutures, des espèces humaines sans doute découvertes par les chercheurs, de X-Files, de la Suisse, et j'en passe.
Laure Limongi n'hésite pas à lister ce qui lui tombe sous les yeux, à enchaîner chapitres longs avec chapitres d'une ligne ou deux, à mêler en italique ses émotions avec des références scientifiques; 
On ne s'ennuie pas avec ce livre surprenant sans queue ni tête qui fait beaucoup moins peur qu'il n'en a l'air. Pas pathologique pour un sou - ou à peine - mais vraiment curieux; le livre d'une artiste bourrée de références intéressantes.

merci à Grasset pour cette lecture!
La maladie sert de faire-valoir. Beaucoup veulent être les héros de la douleur des autres. Vous en portez le masque et il faudrait que vous soyez un second rôle. Passif: patient.

La littérature française (féminine) se porte bien

J'ai eu une chance énorme ces dernières semaines: j'ai enchaîné coups de coeur sur coups de coeur.
Laure Limongi
Un auteur mâle s'y est mêlé, dans un domaine qui normalement ne me captive pas, Caryl Férey et son Mapuche, polar sauvage et violent. Mais c'est bien le seul dans son genre qui me captive en ce moment... les mâles français d'aujourd'hui: trop mous? Trop las? Trop arrogants? Trop bien installés? Je parle des écrivains bien sûr, et de ceux que j'ai récemment fréquentés dans mes lectures...
Maylis de Kerangal

Ok, je ne suis pas là pour cracher sur certains mais pour en encenser d'autres qui m'ont littéralement transportée: Maylis de Kérangal, Laure Limongi, Alice Ferney et Carole Martinez.
Alice Ferney
Chacune différente, toutes nées dans les années 60-70 et ouvertes au monde, curieuses, chercheuses, humbles, exigeantes et poètes. 

Carole Martinez
Voix féminines parlant de la condition des femmes - Alice Ferney et les Roms, Carole Martinez et les femmes au Moyen-Age - ou bien les dysfonctionnements du corps, le corps et la médecine au vingtième siècle - Maylis de Kerangal et le don d'organe, Laure Limongi et l'algie vasculaire - on quitte l'auto-fiction et le "moi" qui était de mise dans cette autre moitié, que je ne renie pas: Christine Angot, Camille Laurens, Marie Darrieussecq.
Chacune a une écriture particulière dans laquelle se mêle, point commun, littérature ou chanson, considérations médicales, scientifiques ou sociologiques. Romans déstructurés, regards portés sur un autre univers et compassion. 
J'aime. 








Le Compteur de Moutons, de Christelle Le Guen

 Voici un album loufoque et attachant!

Recettes pour bien dormir, poèmes, comptines, légendes... tout se mélange dans la même marmite du sommeil. Ce livre n'est pas pour nous, il s'adresse directement à nos enfants et nous n'en sommes que les transmetteurs, car eux seuls connaissent encore cette angoisse du sommeil qui ne vient pas ou la peur de s'y laisser prendre, la souffrance des sanglots sur l'oreiller et la plongée étrange dans cet univers onirique.

Moutons, lutins diseur de merveilles, laveur de chagrin, semeur de rêves, pêcheur de lune et grand débrouillard  ( celui qui chasse les nuages), tous travaillent de concert pour le bien -être des enfants, traversant la nuit avec leurs baluchons, barques et trompettes jusqu'à ce qu'on puisse à nouveau compter les moutons à rebours et s'extirper lentement du sommeil! 


J'ai lu une histoire par soir, une semaine durant, et à chacune d'elles, mes enfants ouvraient de grands yeux émerveillés à la découverte de cette vie nocturne mais aussi de la magie de ces mots pleins de fantaisie et de rêves! 


Pour un repos d'une nuit seulement, 
deux grains de sable saupoudrés suffiront largement.
Pour dormir après midi, un grain plus un demi,
mais aussitôt après minuit,
un grain, un seul, un tout petit.
Et quand je retourne mon sablier,
c'est à mon tour de roupiller! 

mardi 6 octobre 2015

Le Rickshaw fantôme, de Rudyard Kipling

Avant de devenir célèbre avec Le Livre de la Jungle et les oeuvres qui suivirent, Kipling a commencé par écrire pour une gazette basée aux Indes britanniquesKipling rédige nouvelles sur nouvelles, inspirées de ce microcosme de colons britanniques au coeur de l'Inde.

, alternative à des études à Oxford pour lesquelles il n'avait pas pu obtenir de bourses. Pendant plusieurs années, alors âgé de vingt ans et quelques,
Dans les cinq nouvelles rassemblées dans ce recueil, on découvre l'armée, la société et la famille britanniques tels qu'ils existaient à la fin du dix-neuvième siècle, fermés sur eux-mêmes mais entourés d'indigènes dont ils utilisent la langue quand l'anglais fait défaut, dans un paysage luxuriant et exotique. 
Les nouvelles sont agréables à lire, entre l'humour de certaines - l'Homme qui fut, récit d'un soldat condamné au goulag par l'armée russe qui retourne à sa caserne des années plus tard -, le récit d'épouvante pour d'autres - le Rickshaw fantôme et le Retour d'Imray - et enfin la manière dont on éduquait les petits colons britanniques à cette époque, élevés par une nounou avant d'être envoyé à six ans en pension en Angleterre, pour ne pas être influencés par la culture indigène - telle fut l'enfance malheureuse de Kipling et de sa soeur.

Le livre est donc plaisant mais l'objet l'est encore plus, avec ses pages épaisses, la belle couverture un peu inquiétante et les gravures magnifiques pour certaines qui jalonnent les récits.

Merci encore une fois à Babelio et merci aux Editions de L'Herne pour ce joli cadeau. 



Miss Biddums avait en son temps gardé bien des petits enfants et servi bien des maisons. En femme discrète, elle observait peu et parlait moins, et, lorsque ses élèves s'en allaient sur la mer vers le Grand Inconnu, qu'avec une touchante confiance en ses auditeurs elle appelait "Home", elle empaquetait son maigre bien et se remettait en quête d'un emploi, prodiguant son amour sur chaque fournée successive d'ingrats.